PhiloPapy

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la PERSONNALITE

La notion de JE, de MOI, de PERSONNALITE, de PERSONNAGE,

de PERSONNE.

 

« Ça fait déjà beaucoup pour un seul homme. »,  comme on dit.

Essayons d’y voir clair.

« Chacun », fils unique de Dieu. », proclame le catéchisme en recommandant toutefois de se préoccuper de son prochain.

« Ah, c’est toi, Mimile, dit Jean en rencontrant son voisin. « Ah ! C’est toi, Jean ? Je ne t’avais pas reconnu ! »

Finalement ça recouvre quoi ces prénoms et ces pronoms personnels ?

 

Avec l’emploi de ce vocabulaire, on semble se balader à longueur de journées entre des « riens », des banalités ou des éminences.

Quelques points de repères cependant,  certifiés par de grands penseurs.

 

Exemple : On meurt seul(e) ; ça, c’est sûr ! L’affirmation symétrique est-elle  aussi  facile à soutenir en dehors du temps x + 1 de l’existence ? Le premier cri poussé et le premier bol d’air avalé, ça s’agite autour de moi comme dans le jeu des Ombres de la Caverne. Et je suis dès ce premier instant, un moi qui s’ignore, un «être là … pour mourir» disent les Existentialistes, obligé d’affronter l’enfer des autres.

Pour un peu plus tard, Rimbaud a bien raison d’affirmer que « moi, c’est un autre moi. » et Jacquard d’enchaîner, reprenant les mots de la chanson d’Anne Sylvestre (« la chanson de toute seule »)

 

         Moi, je n’suis pas comme les autres

         Ce sont eux qui me l'ont dit.

         Mais ce n'est pas de ma faute,

         Ils m’ont dit cela aussi …

 

Pourtant si je pousse plus avant mon enquête, je n’entends plus parler que de « moi », au singulier avec toujours le pluriel en arrière-fond,  du « Connais-toi toi-même » de la Pythie de Delphes s’adressant à Socrate au « Cogito » cartésien en passant par l’affirmation dogmatique de ma singularité inaliénable comme fils de Dieu. Puis cela s’est poursuivi de la « rêverie du promeneur solitaire » à « la Madeleine » de Proust car moi, ça se déroule le long de l’axe du temps et se retrouve, plus ou moins identique, dans mes souvenirs.

 

On a même trouvé un nom savant pour décrire ce phénomène. « Le solipsisme (du latin solus, seul et ipse, soi-même) est une attitude générale, pouvant, le cas échéant, être théorisée sous une forme philosophique et non métaphysique, « (...) d'après laquelle il n'y aurait pour le sujet pensant d'autre réalité que lui-même (...) » (Wikipédia)

Malheureusement, l’autre est là … constamment pour me nourrir, m’éduquer, m’accompagner et me rappeler sans cesse les contraintes de la « différence »

Et ça ne s’arrange pas avec cette maladie si répondue de porter des jugements de valeur. Voici l’opinion d’un Juif bien placé pour savoir de quoi il retourne, également en lui-même.

 

« Je dois avouer que j'ai eu moi-même beaucoup de mal à me dépêtrer de cette difficulté. Longtemps, malgré mes efforts, la découverte d'une différence chez autrui commençait par m’indisposer quels que soient les détours et les maquillages que  prenait ce malaise. Mon premier mouvement, à mon propre sujet, était de nier tout ce qui semblait me particulariser. Ah ! Que j'aurais souhaité pouvoir traiter tout le discours de l’antisémite de fantaisie calomnieuse, de pur assemblage de mots, de délire ! Qu’il aurait été commode, quelquefois, d'être transparent et anonyme !

 

         (…) Or, au nom de quoi condamne-t-on la différence ? Au nom de l'un des préjugés les plus grégaires et les plus obscurs, les plus injustes et les plus incohérents, qui s’effondre aussitôt qu'il est quelque peu rationalisé. Si l'on se permet de juger et de refuser les autres, c'est que l'on se prend implicitement comme critère du beau, du bien et du vrai. L'on sous-entend, plus ou moins consciemment, qu’il est malgracieux, blâmable et absurde d'être différent de soi. La condamnation est alors inévitable en effet. Mais qui ne voit aussitôt qu'il réfléchit, que la formule peut être exactement renversée ? Et n’est-ce pas ce qui se passe en fait ? Chacun condamnant tous les autres au nom de ses propres qualités, qui passent précisément pour des défauts chez les autres. L'homme du Nord trouve celui du Midi trop expansif, indiscret et vulgaire, et l'homme du Midi trouve celui du Nord égoïste, froid et grincheux

 

         Mais il y a pire dans le procès qui nous occupe : dans une situation oppressive, la condamnation de la différence ne peut même plus être à double sens. Le poids de l'oppression fait qu'elle est toujours au détriment de l'opprimé et au profit de l'oppresseur. La différence étant mauvaise, il est inévitable que l'opprimé en soit automatiquement chargé : c'est lui le différent et c'est lui le mal, le dérisoire ou le coupable. La différence renvoie ainsi à l'accusation.

                                                 Albert MEMMI : «  portrait d'un juif »     éditions Gallimard 1962

 

 

Alors qui suis-je ?

 

Le dictionnaire peut-il me tirer d’affaire ? Nenni !  Je trouve : individu, moi, je, personnage, personnalité, personne … parmi les termes les plus usités. Finalement, à la suite de Rimbaud, d’Anne Sylvestre, de Memmi et de bien d’autres, JE suis TOUT LE MONDE.

 

 

Pendant longtemps, sur un plan métaphysique, psychologique ou éthique, la philosophie n'avait reconnu que l'individu. Chaque être humain était considéré un peu comme une île.

L’étude de l’homme longtemps était réduite à l’analyse de « mon » âme ou de « ma » conscience par introspection. Relais pris par la religion, le confessionnal participant au même type d’étude éthique du moi. Conception chrétienne le situant comme fils de Dieu donc « unique », même si l’évangile fait une place à autrui, au prochain, à l’amour donc à une certaine extériorité. Longtemps, cette influence a imprégné la vie sociale. D’autant plus que ça arrangeait bien le système d’alors avec Roi (Soleil), sabre et goupillon, le « tiers » restant stagnant dans un triste état.

Cela explique, en partie,  que la sociologie ait été une  science tardive, au début du  XX° siècle avec Durkheim voulant que le modèle expérimental de la physique s’impose au « fait social » conçu comme un chose et non comme un morceau de littérature.

Même au XVIIIe siècle, malgré le Contrat Social de Rousseau et les écrits politiques de Montesquieu, de Diderot et de Voltaire, il faudra attendre la Révolution pour que  l'individu ne soit plus le centre de tout. Fini le Roi Soleil ! Place à l’échafaud et au pouvoir du peuple.

Il a faudra attendre les analyses de Marx et des sociologues pour indiquer clairement que l'homme n'existe pas seul. Dès lors, on a vu naître à côté de la sociologie, une psycho-sociologie et des études anthropologiques.  Autrui, le prochain, au sens évangélique, est devenu objet d'études et acteur de sa destinée dans et par un  milieu social

 

Ce contexte rétabli, l'individu est néanmoins resté un sujet de préoccupation à condition de tenir compte de l'environnement social : société, groupes, famille, école. L’historien Duby et la Nouvelle Histoire ont bien voulu, ave justesse, mettre à égalité la peur au ventre de l’individu-soldat avec les desseins du général le matin d’une bataille, mais c’est l’action des grands hommes qu’on retiendra quand même en priorité

 

Le tableau suivant portera l’accent sur la complexité de toute action autour  d’un « moi » agissant.

 

Exemples à prendre dans : un ROMAN, au THEATRE ou au CINEMA …

 

 

 

  1. Reprise dans le détail des deux éléments importants placés sur l’axe du temps.

 

PERSONNAGES ou ACTANTS : en descriptions ou portraits au cours de la narration :

 

  • à un moment donné, ( situation ou scène )
  • avec leur passé, procédé du retour en arrière (flashback=

------------- rappel et de l’implication “Comme nous l’avons vu …” : expression souvent employée dans un récit ;

  • avec un futur,       procédé de l’amorce ou anticipation, en littérature et au cinéma : ex. Jean Valjan, en ses qualités et défauts,  annonce et permet  le père Madeleine )

indices permettant des attentes, des hypothèses du lecteur

  • personnages en évolution soit vers le bien ( + ), soit vers le mal (-)
  • ------------------ présentés dans une situation donnée : description en forme de photographies, d’instantanés.
  • ou bien présentés par touches successives au cours des actions : un peu comme un peu comme dans un tableau impressionniste. L’ensemble des touches successives et juxtaposées traceront le portrait du personnage.

 

Les ACTIONS :

 

v  dépendent du milieu, des circonstances, du contexte et des décisions / réactions du personnage = des “interactions” / y compris dans les “relations” entre personnages.

 

v  en retour, personnages,  actions influencent et modifient le milieu, créant de nouvelles conditions de réalisation et la progression de l’ensemble vers un dénouement, heureux ou malheureux.

 

v  Le caractère des personnages sera affecté par ces nouvelles conditions révélant le fond de bonté ou de méchanceté présent en tout homme… En effet, si on excepte Myriel - considéré comme un saint – tout être est “ambivalent” dans «  les Misérables »  : chacun est composé  de tendances  aussi bien portées vers le bien que le mal. Les circonstances de la vie mais aussi des actions faites par un effort volontaire tendent à se traduire en nous par une “dominante” “bien” ou une dominante “mal”.

 

v  Au long du récit, l’une des deux dominantes peut s’imposer et constituer une sorte d’unité qui devient  le fondement d’une personnalité; Ce qui n’exclut pas les fautes, les péchés, les régressions (comme l’indique, au début du roman, la réflexion de Myriel sur le fond de bonté initiale de Valjean. Elle aurait pu se poursuivre (ans un portrait de pauvre homme, gentil, exploité, de laissant faire … Les circonstances, la nécessité de nourrir ses frères et sœurs ont fait évoluer ce dernier vers un type d’homme réaliste, objectif, parfois dur et méchant, par instant, mais toujours prêt à redevenir optimiste, altruiste et bon à condition que Javert  ne réapparaisse alors pour le renvoyer au bagne … )

 

v  On peut appliquer cette manière de voir à d’autres personnages de romans ou de théâtre dans ce que tu as déjà lu  Diderot, Marivaux, l’Etranger, Antigone …

 

  • C’est une ressource inépuisable en exemples exploitables sur le thème ici étudié.
  • Comme le montre rapidement l’exemple suivant en forme de trame de raisonnement

 

 

En te référant au tableau ci-dessus, exerce-toi :     

à choisir les mots ou expressions qui conviennent.

puis, en quelques lignes, chaque fois, à expliciter les raisons de ton choix.

en citant des exemples concrets, précis … pour chaque argument avancé.

Achève l’entraînement en    répondant en quelques lignes : choisis les arguments et les exemples principaux.

 

Exemple dee problèmatique :  Jean Valjean est-il foncièrement bon ?

 

OUI, parce que …

 

  • au départ, face aux besoins de la famille ( continue ) ….

 

 

  • au moment de voler l’évêque …

 

 

  • au moment de l’accident de la charrette, il …

 

 

quoique Javert puisse le dénoncer …

 

 

NON, parce que …

 

  • pendant la nuit chez Myriel, …

 

 

 

  • après avoir été pardonné, il est encore capable de …

 

 

 

 

 

ANALYSE sous ue autre forme.

 

Chaque être humain forme une entité complexe qu’on peut considérer comme composée de plusieurs couches en interactions et parfois en contradiction, à cause de la complexité du réel

 

 

 

 

 

 

Ainsi, quatre termes existent dans le langage courant qui semblent vouloir dire à peu près la même chose (comme des synonymes): "individu / personnage / personnalité / personne." 

 

Néanmoins, il convient de rester méfiant sur la tentation de les prendre l'un pour l'autre, surtout en philosophie.

Une langue produit rarement des moyens de communication inutiles. Il convient donc de passer à une analyse plus poussée du sens de ces termes ; ceci sur la base de la pratique courante  de notre langue maternelle. : Même si on ne fait que "sentir" ce qui se dit ou non, on ne prend  que rarement un mot pour l'autre.

Suivons  Alain : « Toute la force d’un penseur est terminée peut-être à savoir ce qu’il dit. » ; il convient donc de poursuivre l'entreprise de définition amorcée plus haut.

 

On conviendra donc de dégager ce qui différencie ces mots tant au plan des pratiques langagières qu'à celui du dire des philosophes ou de la réflexion philosophique. 

 

Le mot « Individu » sera réservé à l'unité biologique constituée par un être vivant. Individus, en latin, équivaut à indivisible comme le note Jacquard dans son texte intitulé « la différence ». A lire dans « œuvres-philo » en parallèle et celui de Memmi : «  portrait d'un juif ».

 

Le terme « personnage », comme au théâtre, renvoie à l’aspect extérieur de notre être en incluant même la façon de s’habiller.

 

 

À partir du cas du "Garçon de café" dans "la Nausée" de Sartre, on pourrait trouver de nombreux exemples dans la vie, en littérature, au théâtre, et en philosophie, pour illustrer ces propos. Le garçon joue un rôle ; il n’est pas nécessairement lui-même – en tant qu’essence -. Cela se sent bien dans le changement radical opéré quand il a rendu son tablier et sa serviette le soir. L’expression suffit pour évoquer sa fonction sinon sa personnalité vraie.

Quelques exemples sont également célèbres : dans "l'Avare" de Molière, un des serviteurs joue - par souci excessif d’économie - le rôle de cuisinier ou de palefrenier : Question (ironique) du valet : "A qui vous adressez-vous, au cuisinier ou au conducteur de chevaux ? " En changeant de tenue chaque foi car les habits sont un élément important pour caractériser le personnage.

Changer de casquette ou de casaque montre l’aspect extérieur et échangeable du « rôle ». Avec des réserves cependant : « L’habit ne fait pas le moine. » Le garçon de café « joue » son rôle, il n’est pas son rôle.

C’est un procédé souvent employé au théâtre : ex. "l'île des esclaves de Diderot". Le quiproquo, les ambiguïtés dans les paroles et les attitudes permettent à la jouvencelle d’échapper au mariage forcé avec son parâtre sordide et décadent.

 

Ce clivage en couches, avec des osmoses possibles et des interactions, mais en conservant une dominante spécifique, permet de comprendre un certain  nombre de situations pratiques, psychologiques ou morales à propos de la notion de personne. 

 

Je peux, par exemple, jouer le  rôle d'arbitre (personnage)  dans un match de foot avec des doses adaptées de personnalité (intelligence du jeu, capacités de lucidité, de bon placement sur le terrain ; et même de « personne » : dimensions morales des décisions ; engagement dans l'action, courage, décisions équitables, respect des personnes, régulation des  relations et des échanges ...) comme on le voit, à partir d’une conscience de soi relativement simple à manœuvrer, on entre dans un jeu d’interactions sociales beaucoup plus compliquées. Elles sont en même temps formatées et modifiables, constituées et constituantes comme Lalande le dit de la Raison.

 

Autre situation classique : le colonel régnant en despote dans sa  caserne puis très soumis à une épouse acariâtre et autoritaire en rentrant à la maison ; dans ce cas, c'est le jeu des personnages possibles qui a varié sans que l'on puisse atteindre la couche personnalité ou personne vraies. Que sait-on - ontologiquement - du Colonel  après l'avoir vu opérer seulement dans des rôles de chef autoritaire ou de mari soumis ?

Heureuse discipline que la philosophie : on peut faire feu de tout bois.

 

Le mot « Personne » sera souvent employé avec l'adjectif moral ; avec un caractère transcendant ; c’est l’universalité s’opposant à la singularité et particularité attribuées à personnalité et personnage.

 

« Personne » est en usage en droit, devant la justice ou en éthique, dans l'expression « personne responsable » Ce terme est un des fondements de la Critique de la Raison Pratique de Kant notamment pour l’obligation de prendre toujours l’autre  comme une fin et jamais comme un moyen.

 

 

            La définition de la personnalité en général oblige donc bien à prendre en compte les dimensions sociologiques et éthiques autant que psychologiques.



10/05/2013
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