Philosophie ? pour Alain
INTRODUCTION à la PHILOSOPHIE: le mot « philosophie » ?
Le mot philosophie, pris dans son sens le plus vulgaire, enferme l'essentiel de la notion. C'est, aux yeux de chacun, une évaluation exacte des biens et des maux ayant pour effet de régler les désirs, les ambitions, les craintes et les regrets. Cette évaluation enferme une connaissance des choses, par exemple s'il s'agit de vaincre une superstition ridicule ou un vain présage; elle enferme aussi une connaissance des passions elles-mêmes et un art de les modérer. Il ne manque rien à cette esquisse de la connaissance philosophique. L'on voit qu'elle vise toujours à la doctrine éthique ou morale *, et aussi qu'elle se fonde sur les jugements de chacun, sans autre recours que les conseils des sages. Cela n'enferme pas que le philosophe sache beaucoup, car un juste sentiment des difficultés et le recensement exact de ce que nous ignorons peut être un moyen de sagesse; mais cela enferme que le philosophe sache bien ce qu'il sait, et par son propre effort. Toute sa force est dans un ferme jugement, contre la mort, contre la maladie, contre un rêve, contre une déception. Cette notion de la philosophie est familière à tous et elle suffit. Si on la développe, on aperçoit un champ immense et plein de broussailles; c'est la connaissance des passions et de leurs causes. Et ces causes sont de deux espèces : il y a des causes mécaniques contre lesquelles nous ne pouvons pas beaucoup, quoique leur connaissance soit de nature à nous délivrer déjà, comme nous le verrons; il y a des causes d'ordre moral, qui sont des erreurs d'interprétation, comme si, par exemple, entendant un bruit réel, j'éprouve une peur sans mesure et je crois que les voleurs sont dans la maison. Et ces fausses idées ne peuvent être redressées que par une connaissance plus exacte des causes et du corps humain lui-même, qui réagit continuellement contre les choses, et presque toujours sans notre permission, par exemple quand mon coeur bat et que mes mains tremblent.
On voit par là que, si la philosophie est strictement une Ethique, elle est, par cela même, une sorte de connaissance universelle, qui toutefois se distingue par sa fin des connaissances qui ont pour objet de satisfaire nos passions ou seulement notre curiosité. Toute connaissance est bonne au philosophe, autant qu'elle conduit à la sagesse; mais l'objet véritable est toujours une bonne police de l'esprit. Par cette vue, on passe naturellement à l'idée d'une critique de la connaissance. Car la première attention à nos propres erreurs nous fait voir qu'il y a des connaissances obscurcies par les passions, et aussi une immense étendue de connaissances invérifiables et pour nous sans objet, et qui ont deux sources, le langage, qui se prête sans résistance à toutes les combinaisons de mots, et les passions encore, qui inventent un autre univers, plein de dieux et de forces fatales, et qui y cherchent des aides magiques et des présages. Et chacun comprend qu'il y a ici à critiquer et à fonder, c'est à dire à tirer de la critique des religions une science de la nature humaine, mère de tous les dieux. On appelle réflexion ce mouvement critique, qui de toutes les connaissances revient toujours à celui qui les forme, en vue de le rendre plus sage. ALAIN: "éléments de philosophie" Gallimard.
Texte : vers la recherche d'une première définition de la philosophie.
Emile CHARTIER (1868-1951)
dit " ALAIN " journaliste et professeur.
QUESTIONS SUR LE TEXTE d'ALAIN :
Série 1 à 3 : analyse du texte : répondre sous forme de listes.
- rechercher les mots-clés (souvent répétés par ALAIN) : en dresser la liste.
- si possible, présenter la liste de façon à faire apparaître des regroupements entre termes.
- quels types de connaissance Alain envisage-t-il ? (répondre par « la connaissance de ...)
Série 4 à 7 : répondre par un développement en forme de raisonnement. (au moins une vingtaine de lignes pour chaque question.)
4. quels sont les rapports entre la connaissance et l'action ?
5. expliciter au maximum l'allusion du texte concernant le rôle du langage et des passions.
6. ce texte vous apporte-t-il une réponse suffisante à une première interrogation du type : « qu’est-ce que la philosophie ?
7. suffit-il de connaître pour parvenir à la sagesse ? (répondre par au moins une vingtaine de lignes)
N.B. après production d’une réponse écrite aux invitations de cette page, l’étude de ce texte sera reprise sous différents angles de façon à enrichir et affiner cette approche du sens (des sens) du mot (du concept) de philosophie.
ARTICULATIONS du texte:
Présentation du texte :
2 paragraphes,
à la première lecture : une certaine densité en idées différentes,
il est nécessaire de souligner des mots-clés:
NB trois éléments - clés structurant le raisonnement ou l'argumentation peuvent être repérés rapidement (surlignés)
Ensuite, ils seront repris comme têtes de chapitre, pour le détail à prendre en compte. La philosophie est :
1 une connaissance = évaluation…
2 une éthique
3 une réflexion = "en vue de le rendre plus sage" (= conclusion)
1. philosophie = connaissance = évaluation.
Connaissance des choses = jugement = connaissance pratique et scientifique. Alain prend soin de parler d'action "personnelle" (vaincre, modérer).
Ceci parce que la "connaissance des choses" qui ne serait que pratique et scientifique (s'adapter au monde), inclut "la connaissance des passions", c'est à dire la connaissance particulière de cette "chose" qui est "soi-même". Situation qui commence à se démarquer de la simple position scientifique puisque dans ce cas particulier le "sujet" (moi) devient en même temps "objet" par un phénomène de réflexion ( ré – flexion, en optique) : renvoi (ou recherche) de ma propre image à moi-même par un effet de miroir.
Cas particulier de connaissance où le moi est examiné par lui-même, où l’observateur est aussi l’observé. Ce qui pose des problèmes très différents du point de vue de la connaissance par rapport à la situation classique du savant face à un objet de la nature.
D'où l'impossibilité d'une étude objective et indifférente du fonctionnement psychologique, et une complication supplémentaire – bien soulignée par Alain – dans la liaison inévitable à l’action et à l'aspect "éthique", à la maîtrise de soi et à la sagesse.
Il s'ensuit que la connaissance particulière des choses que constitue la connaissance du corps, des passions comporte une étude scientifique possible comme cela se fait en Fac. de médecine, par exemple. Ceci par des jugements au sens premier, c'est à dire des constats objectifs. Mais, dans la vie de tous les jours, face à soi-même, il s'agit de jugements mixtes, comportant certes une part d'objectivité et de réalisme, mais aussi des risques d'égarement du fait des passions, de la subjectivité, des préjugés etc.
Sans oublier le rôle du langage. Une évaluation est nécessaire qui portera sur les éléments objectifs mais aussi sur l'impact éthique (moral) de notre présence au monde et de notre action dans le monde.
D'où, pour Alain cette forme de connaissance qui sera "universelle" et "critique de la connaissance" portant sur les pratiques quotidiennes, les sciences que sur les religions, la culture …
On affaire à une combinaison, un réseau d’idées distinctes mais interdépendantes.
Alors d’un point de vue méthodologique et philosophique, on ne veut rien perdre des informations fournies, mais alors on ré-écrit le texte d’Alain. Ce qui ne présente aucun intérêt. Ou en prend le risque – philosophique cette fois – d’en prendre et d’en laisser de façon à déboucher sur des formulations, personnelles utiles. C’est le sens de l’expression « se cultiver » Ce n’est pas aussi simple que le pari pascalien du 50/50, mais c’est le prix à payer pour pouvoir prétendre « philosopher ».
NB. S’il y a un autre « truc », il faut le publier pour que les autres en profitent.
2. philosophie = une éthique »
Inévitable aussi : contrairement au mot à mot du texte, qui semble nous montrer un individu, tout seul, face à lui-même.
« Connaissance », « jugement », « sagesse » « les conseils des sages » … sont des termes qui renvoient nécessairement à un cadre sociologique.
Comment s’impose la dimension morale ou éthique de nos actes ? Est-ce une nécessité ou une obligation ?
Thème de réflexion à reprendre.
3. philosophie = réflexion = sagesse.
Il s'agit alors de quelque chose qui est proprement philosophique, puisque cette connaissance:
- porte sur tout, sans exclusion: les objets, les sciences, la religion, le corps, les passions, le sujet connaissant lui-même «objectivement »... (branche de la philosophie que l'on appelle "épistémologie")
- ceci non pas par l'emploi de méthodes propres aux sciences et aux religions (mesures, calculs, expérimentations ou prières, contemplation...) mais par la seule "réflexion" personnelle.
"Ce mouvement critique", comme le dit Alain est un droit fondamental pour chaque être humain (quels que soient sa race, son âge, son degré de sensibilité ou d'intelligence...)
Droit qui fonde les institutions démocratiques, la Justice, les revendications de toute sorte: Amnesty International, Green Peace etc.
Ceci, à titre personnel, dans nos engagements civiques ou politiques: droit à défendre INCONDITIONNELLEMENT, en assumant nos actes de manière responsable, même au risque de nous tromper.
Ce droit absolu impose la réciprocité sous les mêmes conditions : une libre expression personnelle moyennant une tolérance sans restrictions vis-à-vis des prises de position des autres.
Cet ensemble constitue l'aventure humaine, philosophique par excellence, ce qui n'exclut pas la recherche des informations les plus pertinentes, l'examen critique des valeurs auxquelles on adhère. Mais cela étant fait, les actes étant posés, il faut assumer d'une manière intelligente et responsable. C'est ça la philosophie, en suivant Alain. C'est cela que l'on peut appeler : «rendre plus sage.»
Branches de la philosophie que l'on appelle "ontologie" ou "métaphysique" et "axiologie»)
N.B. Ces trois axes constituent la part irréductible de la philosophie :
- EPISTEMOLOGIE: critique de la Connaissance en général et de toute les formes de connaissances particulières: scientifiques, religieuses ou autres...
- ONTOLOGIE, METAPHYSIQUE: étude de toutes les grandes questions concernant l'être, la liberté, le destin, la mort, Dieu etc.
- AXIOLOGIE: étude de tout ce qui concerne les Valeurs : leur fondement, leur choix, leur évolution dans le temps et l'espace, leur implication dans les actions humaines...
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 8 autres membres