PhiloPapy

PhiloPapy

Suivre Socrate

Rationalisme. Problème : l'un et le multiple.

 

Platon: « le Théétète »  version 1

 

 Le texte brut doit être lu  avant de passer à l’étude de la version 2 ci-dessous.

 

Conducteur du dialogue ? (forme immédiatement reconnaissable : ni poésie, ni essai etc. ?)

Interlocuteurs : qui ?

Auteur de l’écrit mis en forme ?

Texte : forme ? Longueur ?  Titre ? Utile ou non dans l’état des connaissances et compétences actuelles du lecteur en philosophie ?

 

Le chaos, en nous et autour de nous,a toujours effrayé les hommes. Or il est inévitable sur le plan des sensations et même sur celui des idées et du langage. C'est un constat banal. Les exemples abondent.

Les Egyptiens célébraient le lever du dieu Soleil comme une "re-naissance" après son parcours dans le séjour de l'ombre et ses innombrables menaces. Nos ancêtres les Gaulois, à chaque orage, craignaient que le ciel ne leur tombe sur le tête. Et nous, aimons-nous tellement la pagaille ? D'où notre amour parfois immodéré, pour "l'ordre établi."



C'est un constat banal : comme le dit l'expression familière "il faut tirer ça au clair."
Dans ce texte, tiré du "Théétète" de Platon, comment Socrate s'en sort-il ?

 

 


 

S = Socrate      T = Théétète

 

S. Il serait vraiment étrange, mon jeune ami, qu'une pluralité de sensations fussent assises en nous comme des chevaux de bois et qu'il n’y eût point une forme unique, âme ou ce que tu voudras, où toutes ensemble convergent et par laquelle, usant d'elles comme instruments, nous percevons les choses sensibles... Accorderas-tu de bon gré que ce que tu perçois par le canal d'une faculté t'est imperceptible par le canal d'une autre ? Que la perception qui te vient par l'ouïe ne peut te venir par la vue, que celle qui te vient par la vue ne peut te venir par le canal de l'ouïe ?

 

T. Comment pourrais-je m'y refuser ?

 

S. Si donc ta pensée conçoit quelque chose qui appartienne aux deux perceptions à la fois, ce n'est ni par le canal du premier, ni par le canal du second, que t'en pourrait venir la perception commune.

 

T. Certainement non.

 

S. Ainsi, relativement au son et à la couleur, ce premier caractère commun est saisi par ta pensée, à savoir que tous les deux sont.

 

T. Oui, certes.

 

S. Et donc aussi que chacun d'eux est différent de l'autre, mais identique à soi-même ?

 

T. Comment donc !

 

S. Qu'ensemble ils sont deux et que chacun est un.

 

T. Oui, encore.

 

S. Et leur ressemblance et dissemblance mutuelles, es-tu capable d'en faire l'examen ?

 

T. Peut-être.

 

S. Tout cela donc, par quel canal, à leur sujet, t'en vient la pensée ? Ni par le canal de l'ouïe, en effet, ni par celui de la vue, ne peut être saisi ce qu'ils ont de commun... Mais par quel instrument s'exerce la faculté qui te révélera ce qui est commun à ces sensations, comme tout le reste, et que tu désignes par : « est » ou « n'est pas » et par tous les autres termes énumérés, à leur sujet,  dans ces dernières questions ? A tous ces communs quels organes affecteras-tu dont puisse se servir, comme instrument pour percevoir chacun d'eux, ce qui, en nous, perçoit ?

 

T. Tu veux parler de l'être et du non-être, de la ressemblance et de la dissemblance, de l'identité et de la différence, de l'unité enfin et de tout autre nombre concevable à leur sujet. Evidemment ta question vise le pair, l'impair et d'autres déterminations qui s'ensuivent et, pour cela, tu demandes au moyen de quel organe corporel, nous en avons, par l'âme, la perception ?

 

S. Tu suis merveilleusement bien, Théétète. C'est tout à fait cela que je demande.

 

T. Mais, par Zeus, Socrate, je ne saurais trouver de réponse sinon qu'à mon avis la première chose à dire est que les communs n'ont point, comme les sensibles, d'organe propre. C'est l'âme qui, elle-même et par elle-même, m'apparaît faire en tous objets cet examen des communs.

 

 

 

 

Platon: « le Théétète »  version 2 : avec explications et commentaires.

 

Introduction :

 

Socrate discute avec le jeune Théétète, mathématicien doué, contemporain de Platon et ami des « sophistes » autres grands manipulateurs de la langue. Ils sont concurrents des deux philosophes.

La différence, selon Platon, réside dans le fait que les philosophes rechercheraient la vérité et la sagesse, alors que leurs adversaires n’apprendraient à leurs élèves que l’art de persuader, avec pour seul but d’avoir raison par l’usage savant de la langue au lieu d’employer une argumentation honnête.

Le dialogue est conduit par Socrate sur un thème précis et à sa manière, habile et parfois un peu roublarde. Il a bien retenu les leçons des Sophistes. La dialectique et la rhétorique sont leur point commun.

Si on suit le discours du fils de la sage femme athénienne, on devrait pouvoir établir l’existence et la validité des trois valeurs fondamentales : le beau, le bien, le vrai. Cette dernière n’est pas vraiment surestimée parce que, face à la philosophie, la science ne fait que commencer à émerger en tant que telle.

L’expression grecque « Kalos kagathos » de l’époque signifie littéralement « beau et bon ».  Cette conjugaison tend à décrire un certain idéal de l'être humain, tant sur le plan intellectuel que sur le plan physique. Ainsi, avoir un corps d'athlète réunirait les deux valeurs : être beau et vertueux, comme Achille, par exemple.

 

Le dialogue :

D’entrée de jeu, Socrate entame la conversation  en plusieurs phrases et sous forme de questions. La première intervention est assez longue ; en fait, elle tend à submerger l’interlocuteur dans une double problématique, comme le montrent les débats politiques avec l’emploi de cette technique.

En premier, on constate la nécessité de sortir de l’impasse dans laquelle nous engage « la pluralité » des nos sensations. Impossible de nier la réalité du tournis du manège de chevaux de bois. Il faut donc recourir à une « forme unique ». Socrate a l’air de ses moquer de l’appellation : autre astuce de rhétorique. (« âme ou ce que tu voudras … »)

Deuxième inconvénient : la spécificité impérative de chaque sens dans l’affluence des sensations. Autre « mic mac » à régler pour l’interlocuteur.

Les mots-clés sont soulignés car ils sont très importants pour capter le sens du texte.

(les commentaires ou explications sont donnés à la ligne et entre parenthèses.)

 

Dialogue analysé.

 

                                                             

 

S = Socrate        T = Théétète

 

S. Il serait vraiment étrange, mon jeune ami, qu'une pluralité de sensations fussent assises en nous comme des chevaux de bois et qu'il n’y eût point une forme unique, âme ou ce que tu voudras, où toutes ensemble convergent et par laquelle, usant d'elles comme instruments, nous percevons les choses sensibles... Accorderas-tu de bon gré que ce que tu perçois par le canal d'une faculté t'est imperceptible par le canal d'une autre ? Que la perception qui te vient par l'ouïe ne peut te venir par la vue, que celle qui te vient par la vue ne peut te venir par le canal de l'ouïe ?

 

T. Comment pourrais-je m'y refuser ?

 

(réponse par une question : T. n’a pas pu prévoir une argumentation défensive)

 

S. Si donc ta pensée conçoit quelque chose qui appartienne aux deux perceptions à la fois, ce n'est ni par le canal du premier, ni par le canal du second, que t'en pourrait venir la perception commune.

 

(S. insiste et marque des points)

 

T. Certainement non.

 

S. Ainsi, relativement au son et à la couleur, ce premier caractère commun est saisi par ta pensée, à savoir que tous les deux sont.

 

(S. « commun » ; 2° banderille : « sont » = existent)

 

T. Oui, certes.

 

S. Et donc aussi que chacun d'eux est différent de l'autre, mais identique à soi-même ?

 

(commun / différent / identique : attention aux adjectifs : embrouille garantie)

 

T. Comment donc !

 

S. Qu'ensemble ils sont deux et que chacun est un.

 

T. Oui, encore.

 

S. Et leur ressemblance et dissemblance mutuelles, es-tu capable d'en faire l'examen ?

 

T. Peut-être.

 

(T. réponses courtes : en panne d’argumentation face aux coups de massue de S.)

 

S. Tout cela donc, par quel canal, à leur sujet, t'en vient la pensée ? Ni par le canal de l'ouïe, en effet, ni par celui de la vue, ne peut être saisi ce qu'ils ont de commun... Mais par quel instrument s'exerce la faculté qui te révélera ce qui est commun à ces sensations, comme tout le reste, et que tu désignes par : « est » ou « n'est pas » et par tous les autres termes énumérés, à leur sujet,  dans ces dernières questions ? A tous ces communs quels organes affecteras-tu dont puisse se servir, comme instrument pour percevoir chacun d'eux, ce qui, en nous, perçoit ?

 

(. Reprise de la problématique : sous le signe de  « l’être » et du « non-être », de la singularité opposée à l’universalité. Il reste bien 2 plans : pluralité et singularité des sensations face à l’unicité nécessaire de la pensée.

Le passage de  l'être et du non-être n’est pas très clair : il y a une sorte de transposition par usage – allusif - de la totalité du rationalisme platonicien : l’être = le commun = l’intelligible qui s’opposerait à  une disparité de catégorie : les Ombre de la Caverne ne sont pas du non-être au sens strict. Ce sont quand même des «apparences » qui existent en tant que telles)

 

T. Tu veux parler de l'être et du non-être, de la ressemblance et de la dissemblance, de l'identité et de la différence, de l'unité enfin et de tout autre nombre concevable à leur sujet. Evidemment ta question vise le pair, l'impair et d'autres déterminations qui s'ensuivent et, pour cela, tu demandes au moyen de quel organe corporel, nous en avons, par l'âme, la perception ?

 

(T. autre passage difficile à interpréter car T. surenchérit  sur les termes de Socrate en montrant que lui aussi, en bon sophiste, sait manipuler la langue dans une suite d’oppositions plus ou moins formelles. On essaie de noyer le poisson des deux côtés dans des mots en terminant par  une question comme Socrate.)

 

S. Tu suis merveilleusement bien, Théétète. C'est tout à fait cela que je demande.

 

T. Mais, par Zeus, Socrate, je ne saurais trouver de réponse sinon qu'à mon avis la première chose à dire est que les communs n'ont point, comme les sensibles, d'organe propre. C'est l'âme qui, elle-même et par elle-même, m'apparaît faire en tous objets cet examen des communs.

 

(Inutile donc d’’essayer de  chercher une solution du côté des sens et des sensations. Il faut recourir à l’âme seule capable d’effectuer « cet examen des communs »)

 

 

Ainsi peut s’ouvrir avec Socrate et Platon le questionnement sur la  connaissance. Apprendre la signification de  « connaître » va être au centre de la philosophie pendant de longs siècles avant le retour sur l’importance de l’action.

 

Ce texte est plus riche en problèmes soulevés qu’en solutions pouvant satisfaire l’esprit d’un contemporain.

Un parcours du mouvement des idées en philosophie et dans la science sera proposé en passant par quelques balises importantes.

 

Par exemple :

« la République » et le rationalisme platonicien.

« Le discours de la méthode » et l’aspiration à une physique mathématique pour Descartes.

« La critique de la Raison pure » avec Kant

Le passage des sensations aux idées pour les Empiristes du XVIII° siècle.

La dénonciation du rationalisme de Socrate par Nietzsche dans « la naissance de la tragédie. »

La réconciliation des trois options : sujet, connaissance, action dans l’acte de connaître.

Les méthodes et les théories scientifiques actuelles.

 

résumé :

 



19/02/2012
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Ces blogs de Enseignement & Emploi pourraient vous intéresser

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 8 autres membres